dimanche 30 octobre 2016

Parfois, je me surprends en train de penser que je suis en train de le faire. 
Mais de faire quoi ? 
De me surprendre ? 
De penser ?
De me surprendre en train de penser ?
De me surprendre en train de penser que je suis en train de me surprendre ?
De me surprendre en train de penser que je suis en train de me surprendre en train de me surprendre en train de penser que... 

Souvent, ensuite, je prends une aspirine. 


Paul Steinberg.

mardi 18 octobre 2016



.Virgule et chute.



Elle tomba enceinte dans les escaliers. 

Elle tomba, enceinte, dans les escaliers. 

D'où l'importance de la virgule pour maîtriser sa chute.

mercredi 12 octobre 2016

LA PEUR,

la peur de tout, de moi, de ma mère, de mon père, des mains de mon père, des mains de mon père qui frappent les murs, qui frappent la terre, qui frappent ma mère qui a peur des mains de mon père qui a peur de ses mains qui frappent parce qu'il a peur, la peur de ses mains, la peur de mes mains, de mes mains qui ont peur de faire, de frapper, de caresser, d'empoigner, de toucher, la peur de la toucher, de la prendre contre moi comme mon père qui avait peur de ses mains qui avaient peur de toucher ma mère, de la toucher, de l'empoigner, de la caresser ma mère qui avait peur des mains de mon père, la peur d'être père parce qu'on s'est trop touchés, caressés, empoignés, la peur du fœtus dans le ventre de celle qui a peur d'être mère, qui a peur que je sois le père comme j'ai peur d'être un père comme mon père qui a peur de ne pas l'être vraiment,
vraiment,
vraiment peur de tout, du fœtus qui est mort, de celle qui ne sera pas mère mais triste d'avoir eu peur de l'avoir presque été, la peur de la mort, de la mort de ma mère qui est plus vieille que les autres mères, ma mère qui a peur de mourir parce qu'elle sait que j'ai peur aussi, de mon père qui aurait pu mourir, de son accident, du coma, de l'hôpital, la peur de mon père dans le couloir de l'hôpital, mon père qui ne ressemblait plus au père dont j'avais peur.

La peur, la peur de moi, la peur de tout.  

mercredi 5 octobre 2016

Instructions pour remettre au lendemain

Il faut avoir une chose très importante à faire. Pas n'importe laquelle, une chose urgente, une chose qui tiraille, qui rend coupable. Les impôts à payer, le rendez-vous de la dernière chance avec une maîtresse impatiente, la litière du chat à nettoyer. Faites de l'espace dans votre esprit pour cette chose, mettez de côté les autres, rangez les bien au fond, près du refoulé. Une fois que cette chose a trouvé sa place, s'est allongée en pacha sur le velours de votre conscience, commencez à vous trouver des occupations. Regardez une série sur votre ordinateur, allez boire un verre avec des connaissances, suivez le parcours du cafard perdu sur les carreaux de votre appartement, faites semblant de dormir. Bientôt, la lune aura remplacé le soleil.
Si la chose est toujours présente dans votre esprit, si vous ne l'avez toujours pas faite le lendemain matin, relisez le premier paragraphe.