Troisième
rêve de pièce
La
pièce vide 3
Je
suis immobile devant l'unique fenêtre, dans la pièce vide. Ce n'est
plus tout à fait pareil car il y a un arbre derrière cette fenêtre,
un seul arbre posé là au milieu de rien. Ce n'est même pas tout à
fait un arbre car d'abord, je ne remarque qu'un tronc, un large tronc
sans branche pour l'orner. Un large tronc qui aurait également pu
être un poteau si, alors que je me suis concentré quelques instants
pour mieux le voir, il n'y avait pas eu cette branche, aussi fine
qu'un long fil de couleur sombre. Mais il y a bien cette branche et,
devant moi, à une dizaine de mètres de la fenêtre, il y a bien un
presqu'arbre qui se dresse. Si je pouvais me concentrer davantage, je
distinguerais chaque nervure sur le tronc, chaque chemin dessiné,
chaque aspérité tapissée de mousse, chaque embryon de branche,
chaque imperfection et chaque perfection qui font ce qu'est ce
presqu'arbre. Mais cette chose qui me gratte au niveau du cou
détourne bientôt mon attention, je baisse les yeux pensant pouvoir
constater, oubliant que personne ne peut voir son propre cou sans
aide extérieur. La fenêtre ne me reflète rien d'autre que l'image
de ce tronc et de la branche au bout de laquelle semble prendre un
autre fil que je n'avais pas remarqué ou qui est apparu pendant que
je cherchais à constater mon cou. Ce n'est même pas tout à fait un
fil mais peut-être bien une corde. Ce n'est même plus toute à fait
une simple gène mais une douleur qui s'enroule, c'est comme s'il y
avait des mains, comme si je n'allais bientôt plus pouvoir respirer,
comme si ces mains étaient les miennes que je sens pourtant à leur
place habituelle, collées le long de mon corps, c'est comme s'il y
avait un boa mais il n'y a que moi dans cette pièce vide, devant
l'unique fenêtre, face au presqu'arbre. Au bout de la corde
accrochée à la branche, un nœud. Et la douleur m'étouffe avant
que je ne remarque que mes pieds ne touchent plus le sol. Je lance
mes bras au-dessus de ma tête et ne trouve rien, je brasse l'air un
instant, mes muscles s'engourdissent, et tout retombe mollement. Mes
cervicales cèdent quand je lève les yeux et vois au bout de la
corde, prisonnier du nœud, cette tête qui est la mienne.